Un Frère botaniste du XIXe siècle : Frère Héribaud-Joseph

Mars 2016

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Les grandes étapes de sa vie

Jean-Baptiste Caumeil est né le 4 avril 1841. Il est le quatrième enfant d’une modeste famille d’exploitants agricoles au hameau de Pradeyrols, commune de Boisset, dans le département du Cantal. Après des études à l’école de son village, il est  pensionnaire à Aurillac et fréquente l’école des Frères des écoles chrétiennes  ➀.

Le 26 septembre 1858, à 17 ans et demi, il rentre au Noviciat des Frères de Clermont-Ferrand et reçoit le nom de Héribaud-Joseph. Il est ensuite instituteur à l’école de Saint-Saturnin ; puis en 1863, il intégre le Pensionnat de Clermont-Ferrand où il restera jusqu’en 1904. Le Pensionnat existait depuis 1849 ; de 1862 à 1902, son directeur est le Frère Annet (François-Alexandre Lagrange, 1824-1902).

Frère Héribaud y est l’un des professeurs des futurs Pères Mandonnet et Sertillanges, dominicains. Il enseigne dans diverses classes jusqu’en 1876, puis, éprouvant une surdité croissante, il se consacre surtout à ses recherches et publications botaniques (de 1876 à 1915). Il est décédé le 22 décembre 1917.

Frère Héribaud-Joseph

La notice nécrologique est très sobre sur ses activités scientifiques :

« De 1876 à 1915, le C.F. Héribaud-Joseph a fait paraître 24 publications botaniques. Voici les titres les plus importants : la Flore d’Auvergne, en collaboration avec le Frère Gustave ; Éléments de Botanique, en rapport avec les programmes de l’enseignement secondaire ; les Diatomées d’Auvergne, les Muscinées d’Auvergne, ces deux ouvrages couronnés par l’Académie des Sciences ; deux savants mémoires sur les diatomées fossiles de l’Auvergne, primés par la Société botanique de France ; enfin en 1915, la Nouvelle Flore d’Auvergne. »  ➁.

Un religieux et un savant

Ne sont présentées que les œuvres principales sans les articles de data-lightboxues scientifiques. À la suite d’une appréciation personnelle du Supérieur général, le Frère Gabriel-Marie, la notice explique que la science et les honneurs humains sont dangereux et qu’il ne faudrait pas s’y attarder mais que le Frère Héribaud n’a cherché en tout que la gloire de Dieu. Illustration, s’il en fallait une, de l’attitude ambigüe et gênée de l’Église du XIXe siècle (ou début XXe siècle) face à la science, qui peut être considérée ici par des enseignants comme une sorte de mal nécessaire. Homme de science et religieux irréprochable, Frère Héribaud affiche par sa vie un flagrant démenti à l’opposition que beaucoup font à son époque entre science et religion et à l’idée d’une certaine inutilité de la science.

Frère Héribaud qui passe 40 ans au Pensionnat de Clermont-Ferrand, puis 13 ans à la maison des Frères de Montferrand, et qui a été rapidement relégué dans ses recherches du fait de sa surdité, a eu une vie plus ponctuée par ses travaux et publications et par le rythme de la vie religieuse que par les événements du monde extérieur.

Des publications nombreuses

De Flore de l'AuvergneLes publications du Frère Héribaud-Joseph commencent en 1876 avec un tableau comparatif de la Flore du Puy-de-Dôme et du Cantal  ➂. Dès 1876, Frère Héribaud a donc une bonne connaissance de la composition et des caractéristiques de la flore d’Auvergne et il prend sa place dans les discussions de son temps autour de la limite de l’espèce, discussions qui se feront rapidement sur fond d’opposition entre fixisme et transformisme.

En 1883, paraît la première édition de la Flore d’Auvergne  ➃. ouvrage rédigé en collaboration avec Frère Gustave. Après la Flore d’Auvergne, parurent l’étude sur Les plantes parasites de la Flore d’Auvergne (1889) qui en est en quelque sorte un appendice et les Éléments de botanique (1890), manuel scolaire à destination des élèves des classes préparant le baccalauréat scientifique et de certains  étudiants  ➄. Les contemporains ne s’y sont pas attardés, voyant dans ce texte un simple manuel scolaire. Et pourtant, c’est un chef d’œuvre de pédagogie.

Au sujet de la publication prochaine des Éléments de Botanique, le 24 décembre 1889, Frère Gustave écrit au Frère Héribaud : « Maintenant que l’ouvrage est en chantier, il marchera bon train, et au commencement de la prochaine année scolaire, notre collection de classiques s’enrichira d’un livre nouveau qui ne la déparera pas, loin de là, bien que sorti d’une plume auvergnate. Je dis cela sans flatterie pour vous ; votre style est très coulant, fort correct. Il vaut bien celui qui nous est venu de la montée Saint-Barthélemy »  ➅.

Un "amateur" reconnu comme "professionnel"

Article sur les diatoméesComme on peut le lire dans de nombreux témoignages, la vie du Frère Héribaud a été celle d’un savant modeste, très spécialisé en botanique mais qui a cultivé une certaine pluridisciplinarité (paléobotanique). S’il a été l'un des rares Frères à pouvoir se consacrer à temps plein à ses recherches, il l'a dû en grande partie à sa surdité qui l’excluait de fait de l’enseignement. Il est un rare exemple de savant religieux ayant entretenu de bonnes relations avec un monde scientifique de plus en plus hostile aux catholiques, surtout après 1880.

Frère Héribaud pose aussi le problème de la professionnalisation,   pour des religieux et des prêtres souvent considérés comme des botanistes amateurs.
Son intégration dans les circuits de la science institutionnelle (voir ses relations avec les sociétés scientifiques, l’université de Clermont-Ferrand, l’Académie des sciences et le Muséum, par exemple) plaide en faveur d’une professionnalisation acquise, même si ses moyens d’actions et de recherches ont étét réduits et même si certaines reconnaissances ont tardé à venir.

Son œuvre s’étend sur une quarantaine d’années. Il consacre généralement  quelques années à un sujet, les diatomées constituant une série de recherches qui occupent pratiquement les 20 à 25 dernières années de sa vie. Dans cette période, il publie aussi des additifs à la Flore d’Auvergne, et enfin la seconde édition de cette Flore.

Frère Olivier Perru

Le Frère Héribaud-Joseph et quelques œuvres, en images.

 

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