Le diorama Saint-Bénilde, à Saugues

Juillet-Août 2021

Tous les documents publiés

À l’image de la crêche de Noël, un diorama met en scène des figurines dans un décor animé d’un son et lumière. La vie du Frère Bénilde (Pierre Romançon, 1805-1862), directeur de l’école communale de Saugues (Haute-Loire) entre 1841 et 1862, canonisé en 1967, a suffisamment marqué les cœurs et les esprits pour inspirer nombre d’œuvres artistiques dont un diorama en douze scènes que l’on peut visiter dans le bâtiment même de son école. 

La maison Saint-Bénilde était l'école

« Tout commence au jour de l’enterrement… »

« 15 août 1862 : la grande église de Saugues est trop petite : l’assistance déborde sur la place malgré la pluie…On enterre le directeur de l’école de garçons, Frère Bénilde, cinquante-sept ans. Il était là depuis vingt et un ans. Tout le monde le connaissait ; beaucoup d’hommes avaient été ses élèves. On l’aimait pour sa bonté ; on le vénérait pour sa vertu. Le convoi n’en finit pas jusqu’au cimetière distant de plus d’un kilomètre… Une femme percluse de deux jambes depuis longtemps se traine sur le pas de sa porte, pour voir passer le cercueil. Poussée par une inspiration subite, elle demande au Frère Bénilde de pouvoir marcher ! Aussitôt, se sentant guérie, elle lâche ses bâtons et suit le cortège ! Ses voisins n’en croient pas leurs yeux !... ».

C’est ainsi que le Frère Just Phelippeau (1903-1987) fait commencer sa légende (ce qui doit être lu, durant l’office des Saints) du saint Frère dans une courte biographie écrite après une canonisation qui fait suite à bien d’autres guérisons au caractère miraculeux.

En l’occurrence, tout commence en 1925, quand le Frère Phelippeau, vendéen d’origine, rejoint la communauté du Puy-en-Velay, pour raison de santé. Il y exerce comme professeur de lettres et de philosophie du Pensionnat Notre-Dame de France dont il devient directeur-adjoint en 1937. Le district du Puy vit dans la ferveur de la progression de la Cause du Frère Bénilde qui va aboutir à sa béatification à Rome en avril 1948.

Le Visiteur de ce district est également directeur du « Pensio ». C’est le Frère Bruno Prat (1894-1980). Celui-ci va former un tandem amical avec le Frère Phelippeau qui se poursuivra durant leur collaboration à la procure de Paris entre 1947 et 1974 (le Frère Prat est alors directeur des éditions LIGEL).

Frère Just Phelippeau (debout) et Frère Prat

C’est dans ce contexte que va émerger peu à peu l’idée d’un diorama consacré à la vie du Frère Bénilde. Les prémices en sont une biographie et un autel.

Le Frère Phelippeau, dont la plume est alerte, est parmi les premiers à rédiger une biographie du Saint – à l’époque Vénérable – dès 1944 ; il la publie en 1946 aux éditions du Clocher (collection "Les Belles Histoires" n °26) sous le pseudonyme de Pierre d’Araules. Ces fioretti bénildiens constituent le scénario du futur diorama.

Frère Bénilde : vénérable, bienheureux, saint

Le Frère Phelippeau contacte également Philippe Kaeppelin  (1918-2011) – ancien élève du Pensionnat, au Puy-en-Velay, promotion 1937 – pour lui demander d’édifier un autel dédié au Bienheureux, à installer dans une chapelle latérale de l’église Saint-Médard de Saugues. Grand artiste originaire du Puy-en-Velay, formé à l’école d’Henri Charlier (1883-1975), P. Kaeppelin commence alors une carrière de sculpteur réputé, auteur de nombreuses pièces liturgiques en France et à l’international. Avec les Frères Phelippeau et Prat, il prend les mesures pour l’autel en mars 1947. L’autel est installé puis béni en avril 1948 à l’occasion de la béatification du Frère Bénilde. L’œuvre suscite les éloges du monde de l’art sacré et est sollicitée pour être exposée à divers salons : son humilité, sa familiarité, son évocation du monde de l’enfance rurale scolaire sont bien dans la ligne de la foi du saint instituteur.

L'autel de Philippe Kaeppelin, surmonté de la statue
Des enfants en prière  devant la châsse et la statue

L’autel sera toutefois remplacé un an plus tard par un modèle destiné à accueillir un gisant et une châsse reliquaire. Les canons romains se sont imposés, aux gabarits plus vastes et massifs. L’actuelle composition est l’œuvre des ateliers Saint-Luc de Bruxelles sous la direction du Frère Raymond-Henri Gilis (1902-1996). L’autel est installé en avril 1949. Le gisant sera en place en avril 1950. Les ateliers Saint-Luc sont sollicités également pour concevoir deux châsses : la première réalisée en 1950 pour la maison généralice et la seconde en 1951 pour Saugues. Cette magnifique réalisation est l’œuvre du Frère Gilis et de l’émailleuse belge Odette Grégoire

L’ensemble liturgique – dans sa forme toujours actuelle - est consacré en août 1951. Il faut attendre toutefois 1975 pour qu’une grande fresque orne la chapelle : l’actuelle fresque des béatitudes est l’œuvre commune de Lucien Gires (1937-2002) et du Frère Jean-Pierre Sabadel (1916-1995).

L’autel « Kaeppelin » rejoint sa vraie place, en somme, en étant installé dans la communauté des Frères qui tient alors l’école Saint-Joseph. C’est dans ses locaux que va être créé le premier diorama dédié au Bienheureux Bénilde en 1962, avant d’être transféré en 1973 à la Maison Saint-Bénilde après quelques modifications. L’autel, orné de son inoubliable statue, en constitue l’oratoire qui clôt le parcours de visite.

Les autels de la chapelle Saint-Bénilde ; au centre la fresque actuelle

Le diorama Saint-Bénilde

Décidé en juin 1961 par les supérieurs réunis à Rome , le diorama est l’initiative du Frère Phelippeau qui en est le scénariste. C’est lui qui définit les 9 scènes du diorama sonorisé qui va être monté au rez-de-chaussée de l’école Saint-Joseph. Il sera inauguré et béni le 22 avril 1962 pour le centenaire du décès du Frère Bénilde.

Le diorama de 1962 conçu par le Frère Phelippeau est réalisé par Lucien Gires, artiste polyvalent et talentueux, figure de Saugues qu’il a marqué de son style par ses nombreuses œuvres. Lucien a déjà acquis une expérience en collaborant avec son frère Louis (1919-2015) à la réalisation du diorama de Saint-Joseph d’Espaly en 1956 qui sert de modèle.

Pour celui de Saugues, c’est toute la famille Gires qui se mobilise : Louis, mais également Joseph pour les décors et les ferronneries, et Zélina, leur mère pour les costumes des figurines. Georges Romeuf est le technicien de la sonorisation et de la mise en lumière. De nombreux artisans locaux interviennent. Le chantier est financé par les districts de France via la procure de Paris.

Au cours de la visite, les 9 scènes s’animent successivement au long d’un parcours évoquant la vie du Frère Bénilde, les paysages familiers de la Margeride, la vie des Sauguains. La bande-son porte la voix chaleureuse du Frère Phelippeau. Elle accompagne le visiteur par ses commentaires jusqu’au dernier espace, l’oratoire, où chacun est invité à la prière.

Arrivée du Frère Bénilde à Saugues, en 1841.

La ferveur des Saugains conduit à la canonisation du Frère Bénilde en octobre 1967, par le pape Paul VI.

C’est à cette occasion que la municipalité s’engage à remettre aux Frères l’ancienne école primaire où exerçait le Saint. 

L'école du Frère Bénilde et l'école Saint-Joseph

(La maison de l'école du Frère Bénilde, rue du Prieuré et l'école Saint-Joseph, aujourd'hui centre d'accueil de La Margeride)

Ce bâtiment, de la rue du Prieuré, avait été école communale entre 1841 et 1876, puis gendarmerie jusqu’en 1885 pour redevenir école publique jusqu’à la construction du CEG de la ville en 1969. L’Institut se rend acquéreur du bâtiment  et y effectue dès 1970 les travaux nécessaires pour aménager un lieu d’accueil - la Maison Saint-Bénilde - et y installer le diorama inauguré en juillet 1973 après deux années de préparatifs.

Si les préparatifs sont longs, c’est que cette fois, Lucien Gires coordonne les travaux menés en grande partie par les Frères eux-mêmes pour transférer le diorama de 1962 dans le nouvel espace plus grand qui permet de rajouter 4 nouvelles scènes. Il est aidé par le Frère Jean-Pierre Sabadel - élément moteur de l’équipe des Frères - pour une partie des décors. D'autres, comme les Frères Jean Cardin (1928-2019) ou Casimir Guy (1912-1982) , et des confrères mettent à profit leurs congés pour prêter la main et le talent. L’Économat National finance les opérations qui sont placées sous la responsabilité du Frère Phelippeau alors en poste à la Procure de Paris, en étroite collaboration avec le Frère Léon Rolland (1919-1989) directeur de l’école entre 1967 et 1989.

Construction de la scène sur Clermont-Ferrand
Scène de la "gloire du Bernin" et cérémonie à "Saint-Pierre" de Rome

L’œuvre est constituée d’un premier espace accueillant 12 scènes, soit une quarantaine de personnages en céramique. Le diorama dans sa version 1973, présente 4 nouvelles scènes  et ne retient pas la scène finale de la version 1962 intitulée la « Gloire du Bernin » : c’est qu’entre-temps le Bienheureux a été canonisé.

Le diorama participe à rendre proche la sainteté du Frère Bénilde aux pèlerins. Ceux-ci lui ouvrent leur cœur sans réserve comme le montrent les prières rédigées à son intention. Protecteur de Saugues, des étudiants, des accordéonistes ou saint-guérisseur, … la ferveur populaire est sans limites pour qui a su vivre, avec ses fragilités, le cœur ouvert aux autres.

Bruno Mellet

Documents du mois déjà publiés
Quelques figures

D'autres scènes du diorama

Les décors du diorama évoquent fidèlement les monument de Saugues ou des sites pittoresques des environs. (Cliquer pour agrandir)

Thuret et la maison natale de Pierre Romançon
Les Pénitents blancs de Saugues
Le sanctuaire Notre-Dame d'Estours
Promenade à La Clauze
Voyage à pied sous la neige
Obsèques du Frère Bénilde
Autel et statues
Accueil au diorama