Cinq siècles de catéchismes

Février 2022

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Les Archives lasalliennes conservent une collection d’environ un millier d’ouvrages catéchétiques dont la plus ancienne édition date de 1607. Issue des bibliothèques des communautés de Frères des Écoles chrétiennes, la collection, riche autant d’ouvrages pour adultes que pour la jeunesse, reflète leur mission de catéchistes. Instrument du « salut », souvent seul livre domestique, le catéchisme servira longtemps autant à apprendre à lire qu’à vivre en chrétien.

C’est depuis l’Ascension que résonne l’annonce de l’évangile qui invite à la foi. Une annonce qui se déploie peu à peu, un message qui se structure, des parcours d’initiation qui se mettent en place.

Les textes à visée catéchétique sont élaborés dès le 1er siècle, à commencer par les évangiles eux-mêmes.

De la catéchèse au catéchisme


« …Quoi que tu racontes, raconte-le de telle manière que ton auditeur en entendant croie, en croyant espère, et en espérant aime » .


La catéchèse engage l’être du catéchiste comme du catéchumène. Elle partage un savoir à comprendre et à mémoriser : Credo (les Mystères), Pater (les prières en latin et en français), Commandements (les Vertus) et Sacrements deviennent ses 4 piliers qui articulent vérités, œuvres et moyens du Salut. Elle invite au faire par une pédagogie qui alterne dialogue et narration, images et chants. L’enjeu en est cette conversion où Grâce et Liberté coopèrent pour le Salut de l’âme en son cheminement : vivre en chrétien. Encore faut-il prendre un bon départ.

Le genre « catéchisme », qui va perdurer jusqu’aux années 1960, naît avec Luther (1529) et Calvin (le Formulaire de 1541) sur le mode question-réponse inspiré de l’exposé dialogué "maître-disciple" de l’époque hellénistique repris déjà au Moyen-âge.

La réponse catholique est celle du concile de Trente qui veut élaborer un petit catéchisme, dans leur langue, pour les enfants, dès 1546, et produit un document de référence en italien/latin destiné au clergé en 1566, le catéchisme romain. Pierre Canisius (Allemagne,1555), Robert Bellarmin (Italie,1597), Edmond Auger (France, 1563), tout trois jésuites, produisent les premiers ouvrages de référence, longtemps réédités dans leurs versions longues ou abrégées. Les influences italiennes et espagnoles marquent une contre-réforme qui ne se répand que tardivement en France gallicane. Le prône du dimanche reste le mode d’instruction courant des fidèles dont la vie est émaillée des actions liturgiques paroissiales.

Le XVIIe siècle est celui du renouvellement de l’Église, siècle pastoral, missionnaire et profondément spirituel, dans un contexte de misère socio-économique, de progression de l’ignorance religieuse et de diffusion du protestantisme.

Catéchisme royal

L’École française de spiritualité s’affirme, portée par de grands réformateurs  qui vont répondre à l’injonction du concile d’évangéliser la jeunesse. La catéchèse des enfants dont la tranche des 5-11 ans se particularise, devient une priorité pastorale.

  • Les petites écoles se développent comme lieu d’initiation à la vie chrétienne (obligation scolaire en 1560, 1685, 1698).
  • Les catéchismes diocésains fleurissent à partir des années 1660.
Catéchisme de Jean Calvin

La Réforme catholique prend son essor… ainsi que le jansénisme qui entraîne une controverse (théologies de la grâce et des sacrements, etc.) qui va accompagner et traverser les éditions et leurs censures. C’est à cette époque que s’établit la tradition catéchétique française, tradition christocentrique marquée par la place de l’eucharistie : la première communion vers 12 ans devient peu à peu une fête solennelle.


Afin d’être docile et sage ; Seigneur donnez-moi votre Esprit, pour apprendre, selon mon âge, les vérités de Jésus-Christ.
Esprit Saint faites-moi comprendre ce que vous allez m’expliquer ; mais en me faisant apprendre, faites-le moi pratiquer.
 


Instruction familière dialoguée

Les Frères disposent des écrits catéchétiques de leur fondateur Jean-Baptiste de La Salle :
Les devoirs d’un chrétien envers Dieu et les moyens de pouvoir bien s’en acquitter, dans ses cinq versions connues  éditées à partir de 1703, dont seules les versions I (édition 1752 la plus ancienne) et  III (édition de 1734) sont parvenues dans notre collection.
► Avec les Exercices de piété (publié vers 1705, édition de 1863),
► les Instructions et prières (période 1698-1734, édition de 1752),
► et les Cantiques spirituels (publiés vers 1705),

le Fondateur a laissé aux Frères des outils pédagogiques permettant de créer un environnement éducatif spirituel adapté aux enfants où sacré et profane se concilient. Les Frères ont utilisé ces ouvrages avec leurs élèves, tout à la fois pour l’apprentissage de la lecture, et en soutien d’une catéchèse effectuée avec les catéchismes paroissiaux et diocésains autorisés.


Nous sommes faits pour servir Dieu,
Pour l’aimer et pour le connaitre.
Nous devons toujours en tous lieux,
Vivre pour cet unique Maître,
Qui n’a fait la terre et les cieux
Que pour nous rendre bienheureux.
 


Catéchisme historique
Catéchisme de Saint-Omer
Catéchisme de Saint-Flour

Ces catéchismes diocésains sont « dressés » par l’évêque qui s’implique souvent dans leur rédaction et explicite sa démarche dans son mandement introductif. Publiés parfois à l’occasion de grands événements liturgiques ou ecclésiaux, certains sont réimprimés sans renouvellement jusqu’à la veille de la révolution. À la “fraîcheur” des ouvrages du XVIIe siècle succède une certaine sécheresse induite par ce conservatisme théologique qui prolonge une période de débats créatifs. Les formes se diversifient pourtant : → catéchisme de 1ère communion et de confirmation, → catéchisme liturgique, → catéchisme des fêtes, → catéchisme de persévérance, etc. La pédagogie y demeure basée sur la vertu des formules et la formation des mémoires, avant celle du jugement, avec de plus en plus ce souci de progression contrôlée - chère à la pédagogie lasallienne . Le catéchiste a à cœur de préparer de nombreuses sous-questions et récits édifiants avant chaque séance. Pour ce faire, il dispose de nombreuses sources : abrégés théologiques, exposés doctrinaux, catéchismes expliqués, catéchismes spirituels, catéchismes des états de vie, catéchismes de mission, etc.

Le discours des Lumières, au courant XVIIIe siècle, incite à clarifier les exposés de foi qui gagnent en ordonnancement et abordent les prémisses du dialogue avec la raison. Le salut par la pratique et la prière est primordial et la doctrine garde une place majeure. Certains ouvrages tentent de faire droit aux références scripturaires et à l’histoire sainte, dans la lignée du Catéchisme historique de l’abbé Fleury (1679). Mais lier doctrine et Écritures demande des approches nouvelles.

Le catéchisme à l’école va rester en vigueur après la Révolution jusqu’aux lois de laïcisation. Le XIXe, siècle des sciences, engage un nouveau rapport au temps et à l’histoire.  L’histoire de France émerge. Des histoires saintes, histoires de l’Église ou des deux Testaments s’élaborent et complètent les catéchismes diocésains. Les Frères en publient dès les années 1840. Les écoles mutuelles contribuent à développer l’usage des planches et tableaux muraux de catéchisme. Les éditions illustrées se multiplient. Le format tridentin et récitatif demeure pourtant la règle : le Catéchisme (unique) à l’usage des diocèses de France publié en 1937, et réédité en version allégée en 1947, reste sur ce mode traditionnel. Le renouvellement pastoral est venu davantage des œuvres de jeunesses et des patronages apparus dès 1800.

La miche de pain
La miche de pain

Du catéchisme à la catéchèse

Le renouveau catéchétique émerge, lui, des recherches pédagogique et éducatives du début du XXe siècle. Bible et liturgie redeviennent sources d’une catéchèse interactive, désirant intégrer l’expérience de chacun, susciter un éveil et une intelligence de la foi, ouvrir aux croyants un chemin de vie en Église. La pédagogie « question-réponse » prend fin.

Le Chanoine Joseph Colomb (1902-1979), dont l’œuvre abondante est marquée par son Catéchisme progressif, est le promoteur de ce mouvement catéchétique (1950-1957).

En 1950 également, les Frères inaugurent la revue Catéchistes – avec le Frère Vincent Ayel (1920-1991) - participant ainsi à ce grand élan pédagogique et pastoral visant à réformer l’enseignement des bases de la foi en l’adaptant aux mutations culturelles du temps. Il faut attendre les années 1981 (Pierres vivantes, catéchisme de l’Église de France) et 1992 (Catéchisme de l’Église catholique) pour que l’Église se dote de nouveaux ouvrages de référence intégrant les enseignements du concile Vatican II, comme l’avait produit le concile de Trente, en son temps. La catéchèse, expérience d’éveil et de croissance, est plus que jamais un dialogue entre foi et culture.

Catéchisme progressif
Catéchisme de Canisius
J-B de La Salle : culte
Catéchisme du concile de Trente
Pierres vivantes